Anthoine
Fillion - Anne d'Anneville
Jean
Charron dit Laferrière
Anthoine
Fillion, ainsi que ses parents et grands-parents ont
vécu l'essentiel de leur vie dans la ville de Paris.
Son grand-père, Edmond Fillon (et non Fillion), y
exerçait le métier de maître corroyeur
baudroyeur, artisan spécialisé dans
l'apprêtage du cuir. Lui et son épouse eurent
au moins deux enfants, dont une fille, Marie-Bénard,
qui épousera Maurice Furton, un menuisier de Paris,
ainsi qu'un fils, André Fillion (avec un i), le futur
père d'Anthoine, qui plus tard exercera le même
métier que son père Edmond. André signe
son premier contrat de mariage le 7 mai 1628. Gabrielle
Saulecq, fille mineure, dont la mère et le
père, autrefois laboureur dans le village de
Trocy-Le-Multien, sont décédés, sera
son épouse et la mère d'au moins deux fils,
dont le plus vieux, Michel Fillion, né vers 1632,
sera le premier de la famille à venir s'installer en
Nouvelle-France. Il y connaitra d'ailleurs une belle
carrière, jusqu'à sa mort survenue à
Beauport en 1689.
Né vers 1637, Anthoine, le deuxième fils,
exercera à Paris le métier de maître
chaudronnier. Il se mariera une première fois, vers
1656, à une fille dont nous ignorons le nom
présentement. Le couple aura au moins un fils, qui se
prénommera Pierre. Probablement suite au
décès de cette première épouse,
il se mariera de nouveau 1664 avec une
dénommée Anne d'Anneville,
également de Paris, plus précisément de
la paroisse St-Eustache.
En 1665, Anthoine, son fils Pierre, ainsi que sa femme
Anne d'Anneville, accompagnée de sa soeur Gabrielle
et de sa mère Marguerite LeRoy, décident
à leur tour de venir tenter leur chance en
Nouvelle-France. Ils se transportent à La Rochelle,
ville portuaire d'où s'effectuera le départ de
la traversée le 27 avril suivant. Deux semaines
auparavant, le 13 avril, Anthoine s'oblige auprès de
Dominique de Ponteneau, capitaine de navire à La
Rochelle, pour l'achat de marchandise qu'il avait fait
monter à bord. Il est permis de croire que le profit
de cette vente lui aurait fourni l'argent nécessaire
pour défrayer le coût de son passage ainsi que
celui de sa famille. La semaine précédant la
signature de cet engagement, Anne donnera naissance à
une fille prénommée Jeanne qui sera
baptisée à l'église de la paroisse
St-Jean-du-Perrot à La Rochelle le 7 avril 1665. Nous
ne connaissons pas le destin de cet enfant mais on sait
qu'elle n'était pas en Nouvelle-France en 1667 et
qu'elle n'y est pas décédée.
L'arrivée
à Québec :
Le jour du départ arrive enfin. À bord du
Cat de Hollande, un navire marchand de 250 tonneaux, se
trouvent, outre Anthoine Fillion et les siens, 150
passagers, dont le sieur Pierre Gaigneur, le marchand qui a
affrêté le navire en question, et dont
l'épouse a servi de marraine au baptême de sa
fille Jeanne, le sieur Le Barroys, secrétaire du roi
Louis XIV et agent général de la Compagnie des
Indes occidentales, et qui deviendra plus tard le parrain de
Jean-Baptiste, fils d'Anthoine et Anne d'Anneville et le
premier Fillion né en terre d'Amérique, ainsi
que 67 nouveaux engagés pour la Nouvelle-France.
La traversée qui prévoyait une escale
à Dieppe, s'effectuera en moins de huit semaines,
soit près de deux semaines de moins que la
durée moyenne de ces randonnées. Nous devons
donc en déduire que celle-ci s'est
déroulée dans des conditions favorables.
Arriva finalement la date la plus importante pour tous les
éventuels descendants de cette famille-souche, soit
le jour où Anthoine Fillion et Anne d'Anneville
mirent le pied en Nouvelle-France pour la première
fois, le 18 juin 1665.
Avant de reprendre la route pour La Rochelle, le Cat de
Hollande ainsi qu'un autre navire, le Vieux Siméon de
Durkerdam, seront réquisitionnés pour aller
chercher les soldats des 4 compagnies du marquis de Tracy,
arrêtés à Gaspé à bord du
Brésé, navire de guerre trop imposant pour
tenter de pénétrer à l'intérieur
des eaux périlleuses du St-Laurent. L'arrivée
de ces troupes ainsi que celles du régiment de
Carignan mettront un frein aux aspirations avouées
des iroquois de détruire complétement la
petite nation française en Amérique, et
permettront ainsi à celle-ci, et ce pour la
première fois, d'entrevoir une implantation
définitive en Nouvelle-France.
L'installation
en Nouvelle-France :
Quelques semaines après leur arrivée
à Québec, Gabrielle d'Anneville et sa
mère Marguerite LeRoy, les soeur et mère
d'Anne d'Anneville, identifiées comme filles du Roi,
se marieront à l'Église Notre-Dame de
Québec. Anthoine et sa famille s'installent d'abord
dans une maison sise sur le terrain actuel de la
cathédrale anglicane, longeant la petite rue Ste-Anne
à Québec. Leur premier fils, Jean-Baptiste,
baptisé le 17 juillet 1666 à l'église
Notre-Dame de Québec, sera inhumé 3 mois plus
tard, le 16 octobre 1666.
Deux jours plus tard, soit le 18 octobre 1666, Anthoine
Fillion et Anne d'Anneville achètent pour 40 livres
tournois une terre de deux arpents par trente appartenant
à Laurent Lormier, et située de l'autre
côté de la petite rivière St-Charles, un
emplacement qui fait partie aujourd'hui de Ville Vanier. La
famille ne s'y installera pas tout de suite puisqu'au
recensement de 1667, même s'il est fait mention de la
terre nouvellement acquise avec une habitation dessus,
celui-ci nous confirme toutefois leur présence sur la
rue Ste-Anne de la façon suivante : Anthoine Fillion,
30 ans, Anne d'Anneville, 20 ans et Pierre Fillion, 10
ans.
Un dernier fils, Jean Fillion, né un peu plus tard
le 31 octobre 1667, sera à l'origine de la nombreuse
descendance de la famille-souche en Amérique. La
présence d'Anthoine nous est
révélée une dernière fois en
août 1668, dans une cause de la
prévôté de Québec, où il
agissait à titre de témoin expert. Nous
perdons ensuite définitivement sa trace et la
confirmation de sa mort nous est
révélée en 1669.
Le
mariage d'Anne d'Anneville et Jean Charron dit
Laferrière :
Anne d'Anneville se mariera de nouveau en novembre 1669
à un dénommé Jean Charron dit
Laferrière, ancien soldat de la compagnie de La
Fouille, arrivé lui aussi en 1665, et qui exercera
par la suite le métier de taillandier. Dans le
contrat de mariage, Anne d'Anneville est identifiée
comme étant veuve d'Anthoine Fillion, vivant habitant
la petite rivière. Dans ce document, il est
prévu que la nouvelle communauté de biens,
issue de ce mariage, prendra charge de l'entretien de Jean
Fillion, fils d'Anthoine et Anne d'Anneville, jusqu'à
l'âge de 15 ans. Aucune mention de Pierre Fillion. le
premier fils d'Anthoine, qui n'avait pourtant qu'une
douzaine d'année ou environ à ce moment
là.
On pourrait le croire disparu, mais une ordonnance de la
prévôté de Québec, datée
du 31 juillet 1676, donc sept ans plus tard, le mentionne
dans une cause l'opposant à Jean Charron. Il lui
réclame 50 françs pour deux mois et demi de
travail, ainsi que la remise de ses hardes. Une entente sera
prise hors-cours. Toutefois, nous perdons
complétement la trace de Pierre par la suite. Est-il
retourné en France ?
Jean Charron dit Laferrière et Anne d'Anneville
achèteront des Ursulines en 1675 une maison
située au coin nord des rues
Côte-de-la-Montagne et Sault-au-Matelot. Même si
le recensement de 1681 nous informe que Jean Fillion
était à l'emploi de son oncle Michel comme
domestique à Beauport, nous pouvons supposer que Jean
a vécu l'essentiel de son enfance et son adolescence
dans cette petite rue de la basse ville de Québec. Il
reçoit la confirmation à l'église
Notre-Dame de Québec le 19 mai 1682, quelques mois
avant qu'un incendie majeur ne détruise la plupart
des habitations et boutiques de basse ville de
Québec, en très grande partie construites de
bois et colombage. La maison des Charron et d'Anneville sera
heureusement parmi celles qui auront survécues
à ce désastre.
Le
cheminement de Jean Fillion :
Jean Fillion apprendra le métier de taillandier,
exercé par son beau-père Jean Charron dit
Laferrière. Il travaillera également pour le
compte du Séminaire de Québec, ainsi que
d'autres taillandiers, tels Jean Gauthier et Pierre Normand
La Brière. À vrai dire, son cheminement se
révèle assez difficile à suivre au
cours de ces années; louant ici une boutique,
là des outils, s'engageant en même temps
à travailler pour le compte d'un autre taillandier,
tout en continuant de travailler pour le Séminaire de
Québec et pour son beau-père Jean Charron. Pas
étonnant qu'il ait souvent eu à rendre des
comptes devant la prévôté de
Québec. Il finit tout de même par
mériter le titre de maître taillandier.
Le
mariage de Jean Fillion et Françoise Sénard :
Le 6 juin 1695, Jean Fillion prenait Françoise
Sénard pour épouse à l'église
Notre-Dame de Québec. Jean Fillion, tout en
continuant à travailler à Québec, prend
une entente avec le Séminaire de Québec,
propriétaire de la Seigneurie de la côte de
Beaupré, à l'effet d'exploiter une forge et
cultiver une terre dans la petite agglomération de
St-Joachim, près de la grande ferme exploitée
par le Séminaire.
L'année suivant leur mariage, plus
précisément le 18 août 1696, le couple
s'installera à loyer dans la maison d'un
dénommé Nicolas Doyon, maître
arquebusier, située sur la rue Sault-au-Matelot.
Cette maison, qui comprenait une boutique qu'exploitera Jean
Fillion, est voisine de la maison habitée autrefois
par son oncle Michel Fillion, une trentaine d'année
auparavant. Jean Fillion et Françoise Sénard y
auront un mois plus tard, le 17 septembre 1696, leur premier
enfant, Marie-Françoise, dont le parrain sera
justement Nicolas Doyon. Elle décédera
toutefois quelques semaines plus tard.
Les
Charron et d'Anneville en faillite :
Il était très difficile de vivre uniquement
de son métier à cette époque. La
plupart des artisans feront comme Jean Fillion et
exploiteront également une terre dans une seigneurie
environnante.
Jean Charron, qui semble n'avoir vécu que des
fruits de son travail de taillandier, est
écrasé par les dettes. Lui et Anne d'Anneville
devront vendre, à l'encan, leur maison de la rue
Sault-au-Matelot afin de payer l'essentiel de leurs
créances, dont la principale était dûe
au sieur Charles Aubert de la Chenaye, le plus gros marchand
en Nouvelle-France, et dont le magasin était
situé juste en face de leur maison.
C'est d'ailleurs lui qui achètera la maison en
question, le 24 février 1696. Il permettra toutefois
à Jean Charron et sa famille de continuer à
l'habiter jusqu'en juillet 1698. En août 1698, la
famille Charron et d'Anneville ira s'installer sur le quai
du cul-de-sac, dans la basse ville de Québec. Jean
Charron mourra quelques années plus tard, le 26
juillet 1702, à l'Hôtel-Dieu de Québec,
en ne laissant pratiquement rien derrière lui, sinon
ses vieux outils de taillandier que son épouse Anne
d'Anneville vendra à leur fils Jean-Baptiste. On perd
ensuite la trace d'Anne d'Anneville, qui selon certains,
pourrait bien être la tonnelière,
surnommée "La Pertière",
décédée à l'Hôtel-Dieu de
Québec le 28 juin 1711.
L'installation
à St-Joachim :
Si besoin était, les destins de sa mère et
de son beau-père ont sûrement contribué
à décider Jean Fillion et Françoise
Sénard à aller s'installer
définitivement sur la terre de St-Joachim. Ce qu'ils
feront avant la fin du siècle. En janvier 1706, ils
achèteront cette concession de terre du
Séminaire de Québec, et en continueront
l'exploitation. Jean Fillion, ainsi que plusieurs
générations de descendants continueront
toutefois à effectuer des travaux pour le
Séminaire de Québec, tant à titre de
forgerons que de manoeuvres pour les travaux de la
ferme.
Une solide maison, ainsi qu'une forge seront construites
sur cette concession de terre, qui résistera à
l'épreuve du temps ainsi qu'à l'invasion des
anglais en 1759. Cet emplacement continuera d'appartenir
à des Fillion jusqu'en 1888. Cette maison, qui fut
aussi une auberge, reste toujours debout après trois
siècles d'existence.


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